Publications

Thèse de doctorat


Réenchanter les déprimé.es. Sociologie de la thérapie en clinique privée

Auteur·ices : Marlène Bouvet

Publié par Ecole Normale Supérieure de Lyon

Date de publication : 06/06/2023

Ethnographie en clinique psychiatrique, cette recherche étudie les processus de production et de réception des Thérapies Cognitives et Comportementales, déployées dans l’hospitalisation volontaire alors que le public des institutions privées lucratives connaît une massification historique. 50 entretiens, 214 Dossiers Patients, une cinquantaine de groupes de parole et Réunions Soignants servent l’analyse du rapport à la thérapie de personnes de 18 à 94 ans, dont le spectre s’étend des classes populaires stabilisées aux classes supérieures intellectuelles et économiques. Cette thèse compare, via l’inculcation de techniques de gestion des émotions (EMDR, respiration, sismothérapie), le travail de transformation des dispositions relationnelles, affectives et introspectives d’individus sujets à la dépression, bipolarité, phobie sociale, épuisement professionnel, troubles dissociatifs.

Du côté de la production des schèmes psy, les infirmier.es, psychiatres et psychologues opèrent une double démarche : psychologisation et biologisation des trajectoires sociales, et régulation compassionnelle des émotions par des gestes, paroles et techniques de consolation (« réassurance »). Leur « sens social » détermine leur façon de catégoriser les malheurs sociaux, d’objectiver la forme et les causes des déviances émotionnelles, et de choisir le « mot juste » dans les pratiques conversationnelles de care. Empruntant fortement à la « forme scolaire », ces professionnel.les prescrivent un travail de rectification des sentiments et prennent le parti des individus dans la renégociation de leurs relations professionnelles et affectives. Ce travail revêt une dimension paradoxale. D’une part, il pointe des « schémas de personnalité inadaptés », invisibilisant le social, rendant les individus responsables de leur destinée, leurs déboires et l’issue de la thérapie. Les violences sexuelles, le « burn out », l’expérience scolaire douloureuse des classes populaires, le travail domestique sont retraduits en « traumas » individuels. Mais d’autre part, via l’insistance sur les déterminants cérébraux et nerveux du « stress », les soignant.es légitiment un « statut de malade » contesté à l’extérieur, attribuent souvent un « statut de victime » et redéfinissent de façon moins élitiste les représentations du déclassement social. Les professionnel.les du psychisme connaissant des évolutions démographiques (féminisation, diversification des sexualités), leurs dispositions professionnelles sexuées les rendent perméables aux discours médiatiques sur la domination de genre (#MeToo).

Côté réception, cette enquête interroge les appropriations différenciées et inégales de la thérapie, analysant le rôle de la distance sociale soignant.es/patient.es dans le (dé)goût pour l’exercice. Elle saisit la thérapie comme un dispositif culturel et une relation sociale, entre rapports sociaux – de classe, genre, âge, appartenance socioethnique – et ajustements réciproques. Elle mobilise le concept d’« habitus compatibles » pour examiner, de façon dynamique, les conditions sociales de son efficacité symbolique. Derrière le « feeling » spontané entre patient.es et soignant.es, les dispositions scolaires et culturelles engagent des adhésions et résistances sélectives aux schèmes psy. A travers les concepts de « dispositions émotionnelles » et de « pluralité dispositionnelle », enjeux centraux du « travail sur l’autre » et du « travail sur soi », cinq études de cas mettent à l’épreuve l’hypothèse d’une transformation existentielle par le psychologique.

Pour citer ce texte : Marlène Bouvet, « Réenchanter les déprimé.es. Sociologie de la thérapie en clinique privée », sous la direction de Christine Détrez. Thèse soutenue le 6 juin 2023 à l'Ecole Normale Supérieure de Lyon, devant un jury composé d'Isabelle Coutant, Christine Détrez, Muriel Darmon, Stanislas Morel et Olivier Schwartz.

Ouvrages


Catégoriser : lexique de la construction sociale des différences

Auteur·ices : Marlène Bouvet, Florent Chossière, Marine Duc, Estelle Fisson

Publié par ENS Éditions

Date de publication : 16/05/2024

Pauvreté. Queer. Handicap. Ethnicité. Domination. Frontières. Omniprésentes, les catégories structurent le monde social. Mais qu’est-ce que catégoriser veut dire ? Qui produit les catégories et les impose ? Comment résister avec et contre elles ? Véritable boîte à outils, ce lexique rassemble 48 synthèses inédites permettant de penser, avec les sciences sociales contemporaines, les catégories et leurs liens avec les rapports de pouvoir. Chaque notice thématique présente un concept pour penser ces processus, en retrace la genèse et en propose des définitions opératoires, réactualisées à l’aune de débats et exemples contemporains. S’adressant à un large public, l’ouvrage propose un éclairage informé sur ces sujets de société. Il met à l’épreuve les termes du débat public, au-delà de l’étude d’un groupe en particulier et d’une conception figée des identités. L’ouvrage est disponible en version papier, en version numérique (format Epub) et en Open Access. Introduction sur l’imbrication du pouvoir et des processus de catégorisation ; Stéréotypes, Psychologisation, Biologisation, Passing, Santé, Race, Corps, Genre, Classe, Âge… Toutes les notices en accès libre ici.

Pour citer ce texte : Marlène Bouvet, Florent Chossière, Marine Duc, Estelle Fisson (Dir.). Catégoriser : lexique de la construction sociale des différences. ENS Éditions, pp. 722, 2024, Sociétés, espaces, temps, 979-10-362-0720-4.

Articles et chapitres d'ouvrages


La « biologisation bienveillante » des déprimé•es en clinique privée. La réception de trois répertoires de légitimation au prisme de la classe et des masculinités

Auteur·ices : Marlène Bouvet

Publié par Biologisation(s). Les usages sociaux de l‘argument biologique en santé, dirigé par Laurine Thizy, Justine Vincent, Sinem Gunes, Irem Nihan Balci, coll. « Sociétés, Espaces, Temps »

Date de publication : 22/06/2023

Pour citer ce texte : Marlène Bouvet. La biologisation bienveillante des déprimé·es en clinique privée. Biologisation(s), ENS Éditions, pp.71-95, 2023.

Goûts, pratiques et usages culturels des jeunes en milieu populaire. Adolescent·es de 11 à 20 ans dans une ville moyenne à la périphérie de l’agglomération lyonnaise

Auteur·ices : Chantal Dahan, Christine Détrez, Marlène Bouvet, Emmanuelle Guittet, Tomas Legon, Clémence Perronnet

Publié par INJEP Notes & rapports

Date de publication : 05/10/2020

Ce rapport de recherche vise à décrire, de manière résolument qualitative, les pratiques culturelles de jeunes de milieux populaires résidant dans les quartiers populaires de villes moyennes, aux abords de Paris et de Lyon – de la proche banlieue aux limites de l’agglomération. Dans les catégories analytiques et méthodologiques qu’elle convoque, elle emprunte à une riche tradition de recherche en sociologie de la culture, qu’il s’agisse des modes de réception de genres littéraires et cinématographiques ou de l’effet d’un capital culturel dans les usages et appropriations des loisirs, des années 1970 ) aux années 2010 et 2020, des travaux sur les pratiques de lecture des étudiant.e.s en école préparatoire littéraire, ou encore sur la réception des littératures de l’imaginaire (science-fiction et fantasy) parmi les jeunes adultes âgés de 20 à 30 ans.

Pour citer ce texte : Dahan C., Détrez C. (dir.), Bouvet M., Guittet E., Legon T., Perronnet C., Goût, pratiques et usages culturels en milieu populaire, INJEP Notes & rapports/Rapport d’étude.
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Du « matheux » bourgeois au « Quant » corporate. Les héritiers des classes supérieures scientifiques à l’épreuve de la finance londonienne

Auteur·ices : Marlène Bouvet

Publié par Emulations - Revue de sciences sociales, numéro "Des dispositions au travail. L’origine sociale des pratiques professionnelles", coordonné par David Pichonnaz et Kevin Toffel.

Date de publication : 10/09/2018

Résumé Comment des héritiers des classes supérieures scientifiques, animés par l’amour désintéressé des mathématiques, se muent-ils en agents financiers acquis à l’esprit « corporate » ? Cet article propose l’examen minutieux des métamorphoses du « capital culturel scientifique » des Quants, ingénieurs-mathématiciens à la City de Londres. Une enquête de six mois, élaborée à partir de neuf entretiens semi-dirigés et d’un corpus de lettres de motivation et grilles de salaire, met au jour la fabrique des dispositions contradictoires qui façonnent leur ethos professionnel. Porteurs de puissantes dispositions ascétique et scholastique, chevillées à une appétence forcenée pour les sciences, ils sont cependant tenus d’acquérir des manières d’être inédites. Disqualifiant un élitisme fondé sur la distinction intellectuelle, la culture d’entreprise sollicite une disposition distante, une disposition rationnelle-stratégique et une disposition vénale qui font violence au « sérieux ludique » présidant jusque-là à l’exercice de leurs facultés. Ils s’initient alors, non sans peine, à des compétences pédagogique et mondaine qui rompent avec leur habitus de domination par l’excellence scolaire, et tentent littéralement de mettre à profit leurs compétences techniques. Si elle dépend de la durée d’exposition à la culture d’entreprise, l’attitude des Quants face à l’adversité s’avère fortement contrastée : leurs adaptations différenciées réfractent le capital culturel hétérogène des diverses fractions de la bourgeoisie française. Si la stylisation des dispositions professionnelles enrichit la sociologie d’un groupe professionnel, celui des agents financiers, elle permet également de capturer les récentes transformations de la culture des élites.

Pour citer ce texte : Bouvet, M. (2018) « Du « matheux » bourgeois au « Quant » corporate: Les héritiers des classes supérieures scientifiques à l’épreuve de la finance londonienne », Emulations - Revue de sciences sociales, (25), p. 23–43. doi: 10.14428/emulations.025.02.
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